Stop ! Avez-vous lu la première partie ? Elle est disponible ici. Elle est essentielle pour comprendre la suite et fin de cet article.
Dans la précédente, j’énumérais la multitude de choses qui ont peu ou pas évolué dans le monde du cheval. Mais je n’ai pas encore parlé des vrais changements car… il y en a eu. Je n’ai pas non plus expliqué en détail pourquoi les choses ne bougent pas assez vite. Nous y arrivons. Attention, cette partie risque de provoquer quelques réactions. J’énumère des faits et j’analyse des situations. Vous êtes libres de ne pas être d’accord, mais les insultes ne seront pas acceptées si vous n’appréciez pas ce que vous lisez. Car oui, je vais dire des choses que je ne devrais peut-être pas dire si je ne voulais pas me faire critiquer par la filière équine.
Les changements qui vont dans la mauvaise direction
Il y a eu des changements rien qu’en 20 ans dans l’équitation ! Beaucoup de pratiques restent ancrées, mais de nombreuses nouveautés ont aussi émergé. Certaines sont rejetées par une grande partie des cavaliers, tandis que d’autres sont, malheureusement, trop facilement acceptées alors qu’elles ne devraient pas l’être. On peut parler de phénomènes de mode, mais aussi d’une nouvelle approche du bien-être animal. De plus en plus de personnes comprennent qu’il faut mettre son cheval au pré, lui fournir les soins nécessaires, une alimentation adaptée, et qu’il n’y a pas forcément besoin de fers, de mors, etc. Cela semble être de plus en plus répandu.
Cependant, ces cavaliers sont souvent qualifiés d’ »extrémistes », en partie parce qu’ils peuvent se montrer assez agressifs dans leurs critiques des méthodes qui ne correspondent pas aux leurs. En conséquence, au lieu de promouvoir positivement ces bonnes pratiques, certains provoquent des résistances et bloquent l’évolution de l’équitation dans la bonne direction. C’est bien dommage.
Par contre, de manière étonnante, il y a des pratiques douteuses qui se répandent dans le monde du cheval et cela commence à devenir inquiétant…
La popularité des pratiques mystiques
J’appelle « pratiques mystiques » tout ce qui n’est pas reconnu par la science. Qu’est-ce qui n’est pas reconnu par la science ? Les pratiques dont les études ne sont pas reproductibles à grande échelle. Pour vulgariser de manière très simple : on teste une pratique placebo face à la pratique que l’on veut évaluer. Si les différences sont significatives, on valide la pratique, sinon, elle devient aussi utile qu’un placebo. Je parle, par exemple, ici de l’ostéopathie, ici de la communication animale ou encore ici de l’homéopathie.
Ces dernières années, je vois de plus en plus de personnes faire appel à la communication animale, aux magnétiseurs, au shiatsu, à l’acupuncture, à l’ostéopathie, etc. J’en oublie sûrement beaucoup, et je suis très inquiète de constater qu’il y a de moins en moins de cavaliers qui réalisent que ces pratiques ne sont pas vraiment efficaces. Pire encore, elles peuvent parfois devenir dangereuses.
Les dangers de ces approches
Le principal problème de ces approches réside parfois dans l’incompétence professionnelle : un ostéopathe qui fait n’importe quoi, un acupuncteur qui pique n’importe comment, etc. Mais ce sont des erreurs humaines, et en général, ces métiers sont plutôt inoffensifs dans leur pratique. Un bon massage peut rarement faire du mal, et même apporter du bien-être. Appelez cependant un masseur, c’est moins cher… Je ne vais donc pas m’attarder sur les erreurs humaines, qui restent rares dans ces professions.
Le vrai problème est ailleurs : un retard considérable dans les soins vétérinaires. Car oui, aujourd’hui, si un cheval est bloqué, on appelle d’abord l’ostéopathe, on fait une communication animale, et le vétérinaire devient le dernier recours. Mais soyons clairs : l’homéopathie ne guérira jamais une infection qui nécessite des antibiotiques. L’infection se propagera, le petit problème deviendra grand, et il sera parfois trop tard… Le vétérinaire devrait toujours être le premier interlocuteur, mais avec tous ces nouveaux métiers, beaucoup de propriétaires prennent de mauvaises décisions pour leurs chevaux. Même s’il n’y a presque jamais de mauvaises intentions (hormis chez certains vrais charlatans), c’est bien dommage. Et je ne sais pas comment stopper ce changement qui s’est répandu à une vitesse exponentielle.
Donc alors, d’accord, les métiers dans l’équitation évoluent, mais pourquoi certaines pratiques ne changent-elles toujours pas ?
Je l’avais rapidement abordé dans la première partie et nous allons, ici, détailler les raisons liées à l’incohérence fondamentale et à l’impact économique.
Une incohérence fondamentale
Nous aimons les chevaux, mais en les montant, nous les exploitons. C’est un fait. Un fait difficile à accepter. Les biais cognitifs… Nous devenons alors incohérents en cherchant à assurer le bien-être animal tout en poursuivant notre propre plaisir. Je fais moi-même partie de cette incohérence. Prendre conscience de cela est une chose, mais changer est beaucoup plus compliqué…
Quand on veut augmenter les hauteurs des barres, obtenir des résultats en concours, rendre son cheval tout beau pour une épreuve de dressage, ou prendre du plaisir en course ou en endurance, on peut dire qu’on aime nos chevaux (et c’est vrai !), mais on les exploite malgré tout. Nous prenons plaisir dans le sport, et non plus dans le cheval. Certes, on a compris que la violence avec la cravache est à éviter, mais les coups de talons et les éperons restent encore bien trop présents sur les terrains de concours. Rien ne change, car il est difficile d’admettre, qu’en réalité, on ne devrait peut-être même pas monter nos chevaux.
Le cheval doit rester mince, être en excellente forme physique, ferré, etc., pour nous, et non pour lui. Nous le gardons au box pour éviter qu’il ne se blesse ou ne se salisse avant un concours… Il pourrait faire trop de bêtises au pré. Nous devenons alors incohérents dans notre pratique du sport. J’ai beaucoup évolué sur ce sujet, mais je continue de monter ma jument, soi-disant pour qu’elle garde la ligne une fois par semaine. Mais, au fond de moi, n’est-ce pas simplement parce que j’aime monter ? Ai-je du mal à évoluer moi-même, et est-ce pour cela que le domaine du cheval n’évolue pas assez ?
Cette remise en question est très inconfortable, et peut-être que changer les choses signerait la fin de l’équitation telle qu’on la connaît.
Un fort impact économique
La filière équine… Plus d’un million d’équidés en France, 3e sport national, 9,6 milliards d’euros de paris sportifs, 11 milliards d’euros de flux financiers générés, plus de 66 000 emplois en activité principale (source). C’est une industrie importante, elle est énorme !
Comment changer cela ? Comment pourrions-nous dire : « Rasons tous les boxes des centres équestres, éliminons tous les emplois qui deviendraient inutiles, arrêtons de trop solliciter nos chevaux » ? On ruinerait tellement de personnes. Que ferions-nous de tous ces chevaux ? Que faire de l’élevage ? Changer les choses drastiquement pour le bien-être animal reviendrait à détruire l’économie tout entière. Ne serait-ce pas là la raison principale du manque de changement ? La rigidité d’un secteur ancré depuis de nombreuses années. Alors oui, la technologie évolue, même dans ce domaine, mais il y a encore beaucoup trop d’éléments plus simples qui ne sont pas prêts de changer.
J’espère que cette analyse vous amènera à vous poser les bonnes questions sur l’évolution du monde équestre. Le changement est nécessaire, même s’il est difficile. À très vite pour le prochain article !
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